Préface

Depuis plus d'un siècle l'homme fantasme sur sa création ultime: l'AUTO. C'est son totem mobile, son gri-gri grande taille qui symbolise sa réussite, qui assure sa liberté. Elle est capable de le projeter, lui et sa famille, à grande vitesse, sur n'importe quelle route de la planète bitumée.
Pour elle l'homme est prêt à sacrifier ses économies, à s'encombrer de dettes, voir même à faire la guerre.
La passion de l'homme pour l'AUTO est sans bornes, insatiable. Constamment il perfectionne sa machine, la déclinant sous toutes formes et dans tous concepts imaginables. Il est à la recherche de l'alliage parfait entre utilité et plaisir, économie et virilité.
Mais voilà, le temps pourrit tout. La voiture, comme l'homme, s'use, se fatigue.
Avec le temps le modèle dernier cri, toutes options, si convoité, devient dépassé. On le trouve ringard et, après les pannes successives, on s'en débarrasse. A la casse, l'ex-objet du désir devient épave. L'auto, faite pour tracer, est immobilisée à jamais.
L'architecture, le design, si expressif de l'époque de sa création évoque maintenant la nostalgie. Elle est devenue archaïque dans le regard de l'homme qui se tourne vers les nouveaux modèles pour assouvir ses désirs de vitesse et de liberté, ses fantasmes de sexe et de violence.
Dans la casse on peut voir ces lignes aérodynamiques et sensuelles, issues de la plume d'un jeune futuriste italien, se transformer en écrin pour jardin sauvage. La banquette arrière, autrefois si moelleuse, sert maintenant de citadelle pour fourmis et terrain de chasse pour araignées.
Le soleil et la pluie travaillent tranquillement les chromes et les peintures, les plantes grimpantes prennent possession des colonnes de direction et des grilles de radiateurs. Bakélite et caoutchouc se fondent très lentement, délicatement, sous le passage des saisons. Doucement, les roues s'enfoncent dans le sol, les pneus se confondent avec la terre.
L'AUTO, conçue pour dominer la géographie, se fait récupérer par les champs. Elle est camouflée par les lichens, son habitacle transpercé par les mauvaises herbes... Même son huile usée, ses vitres éclatées et ses métaux rouillés peuvent jouer un rôle dans les projets d'abondance de Mère Nature.
L'objet automobile n'est presque plus. Elle devient minérale et VÉGÉTALE.
Au delà des rêves des hommes et de leurs créations, il y a une force plus puissante, intemporelle.
Ses AUTOS VÉGÉTALES en témoignent, la Nature reprend toujours ses droits. Tout est voué à la destruction mais le cycle de la régénération fait resurgir la vie sur les épaves de nos rêves. C'est pourquoi il faut fleurir les tombes, comme les champs de batailles couverts de coquelicots. C'est l'espoir, une vie au delà de la mort.
L’avenir de notre civilisation industrielle doit être la Nature. Le post-industriel sera l'avènement de la jungle, l'organique primant sur le mécanique.

Ces AUTOS VÉGÉTALES nous en montrent la route

Brad Scott ( 2007 )


Depuis plus de dix ans, je recherche des lieux où sont stockés ces monstres métalliques qui m’ont fasciné étant enfant mais je ne le savais pas encore.

Dans des casses « écologiques », à la lisière des forêts ou a l’intérieur de vieilles remises, ces carcasses désormais inertes, abandonnées à la nature et au temps nous livrent un spectacle paradoxalement vivant de symboles de puissance relégués au rang de sculpture immobile en transformation, ce qui les rend peut-être plus éclatantes que par le passé. J’aime penser que leurs morceaux épars sera récupéré l’aluminium qui une fois recyclé servira ensuite de support à mes épreuves d’auteur que je vous présente dans cette exposition.

L'intérêt de l'alumium anodisé, outre sa douceur au toucher et à la vue est de rendre la perception de l’image différente suivant l’angle de vue ( par réflection semi-spéculaire) offrant ainsi les dernier éclats à ces machines du passé.

Ces photographies sont un témoignage et un dernier (?) hommage à ces automobiles qui ont fait partie de ma liberté de jeune adulte.